Maison Les Jours Meilleurs, 1956
La maison Les Jours Meilleurs de Jean Prouvé résume parfaitement son idéal d’habitat industrialisé, « léger et dynamique », finalisé ici dans l’urgence en associant ses expériences antérieures à une mise en œuvre novatrice. Les mesures lancées par l’État français dans l’après-guerre se révèlent insuffisantes pour enrayer la crise du logement qui touche durement les classes défavorisées. De son côté, Jean Prouvé ne parvient pas à amorcer une production en série des modèles de bâtiments d’habitation, individuels ou collectifs, qu’il expérimente depuis plusieurs années dans son usine de Maxéville. En juillet 1953, alors qu’il vient de quitter définitivement ses ateliers, il présente au CIAM1 ses recherches en faveur de l’industrialisation du logement, notamment le principe constructif audacieux d’une petite maison articulée autour d’un noyau central porteur. Quelques mois plus tard, mobilisant l’opinion publique autour du drame des sans-abris, l’abbé Pierre, ancien député et fondateur du mouvement Emmaüs, parvient à recueillir des capitaux importants en conjuguant générosité populaire et financements de l’État. Au nom du petit groupe d’architectes constitué à Paris autour de Prouvé, Michel Bataille convainc l’abbé d’investir dans la filière industrielle, capable d’apporter à moindre coût une solution rapide et pérenne pour le logement d’urgence. Quoique privé de son outil de production, mais fort des études menées autour du principe du bloc domestique porteur, Jean Prouvé et son équipe mettent au point en quelques semaines une maison familiale « préconditionnée », légère mais durable, économique mais confortable ; son aspect à la fois simple et harmonieux dissimule un procédé et des détails constructifs innovants servis par des matériaux de pointe. Dénommée avec optimisme « Les Jours Meilleurs », la maison est emblématique de l’engagement social des deux hommes et des combats qu’ils mènent contre vents et marées – les instances institutionnelles en particulier ! Salué par les journalistes et les architectes, plébiscité par le grand public lors de sa présentation au Salon des arts ménagers de 1956, le prototype semble réunir toutes les conditions pour que soit initiée une production en grande série… Cependant, faute d’une homologation officielle, quelques exemplaires seulement seront réalisés.
1. « L’habitat pour le plus grand nombre », IXe Congrès international d’architecture moderne, Aix-en-Provence.