Maison Ferembal, Nancy, 1948
Ultime prototype en bois et acier avant la production en série de maisons métalliques légères, le bâtiment Ferembal, créé par Jean Prouvé en 1948 pour une société d’emballages industriels, occupe une place particulière dans l’oeuvre du constructeur. Son commanditaire, Pierre Bindschedler, compagnon de Résistance de Jean Prouvé puis membre du gouvernement militaire français en Sarre, avait peu auparavant épaulé son ami pour son projet –malheureusement avorté –d’y créer une filière de production de maisons en acier : sorties d’usine d’« un seul coup de presse », rapidement montées, elles devaient bénéficier des derniers perfectionnements apportés au système de construction à portiques, mis au point par Jean Prouvé avant la guerre. Le même principe constructif est choisi pour la structure du bâtiment administratif de l’usine Ferembal, à Nancy, destiné à abriter des bureaux et un espace d’exposition : l’utilisation des portiques axiaux porteurs permet de répondre au programme tout en générant un plan ouvert et fluide, capable d’évoluer en fonction des besoins grâce à l’interchangeabilité des cloisons et des panneaux de façade monoblocs, vitrés ou pleins. L’architecte Henri Prouvé, frère de Jean, imprimera à ce bâtiment fonctionnel une élégance toute particulière par la composition dynamique de la façade en bois et verre, et une définition judicieuse des éléments structurant les espaces intérieurs et extérieurs : mobilier intégré, jardin d’hiver, coursive et auvent… La petite série de constructions préfabriquées, en métal et bois, dite « série de Noisy1 » à laquelle appartient le bâtiment Ferembal, est réalisée par les Ateliers Jean Prouvé dans la nouvelle usine de Maxéville en 1947-1948 ; encore marquée par le contexte de pénurie de métal, elle incarne la détermination de Jean Prouvé de passer d’une solution provisoire d’urgence à une production en grande série plus pérenne, donc plus adaptée au besoin vital de logements et d’équipements de la Reconstruction. Pourtant, trop en avance sur son temps, il n’en réalisera que quelques prototypes. Cet exemple significatif, soigneusement démonté et sauvegardé lors de la destruction du site en 1983, permet une fois encore d’apprécier les qualités techniques et fonctionnelles du système, ainsi que ses capacités d’évolution et de réutilisation, prônées par Jean Prouvé lui-même. Ainsi, à la demande de la Galerie Patrick Seguin, c’est à une véritable « adaptation » du bâtiment de Prouvé que s’est livré l’architecte Jean Nouvel, démontrant ainsi brillamment toute l’actualité de sa pensée constructive.
1. Un modèle de maison 8x12 à portiques des Ateliers Jean Prouvé est choisi par le ministère de la Reconstruction pour être monté au chantier d’expériences de Noisy-le-Sec, en région parisienne.