Bahut, 1944
Les buffets bas en bois et métal étudiés par les Ateliers Jean Prouvé dans les années 1930 sont conçus comme des étagères fermées munies de portes coulissantes et dont l’ossature métallique est fixée au mur1. Les études menées pendant la guerre, notamment pour les Éts Solvay, permettent dès 1944 la mise au point d’un modèle de bahut démontable destiné au marché domestique et dont les caractéristiques générales évolueront peu. Depuis sa version destinée à l’ameublement des logements d’urgence jusqu’aux modèles en aluminium commercialisés jusqu’à la fin des années 1950, le principe constructif reste similaire à celui développé parallèlement pour les armoires. Ce principe met en œuvre deux flancs verticaux en tôle emboutie à la presse, comportant les cannelures où s’encastrent les crémaillères qui reçoivent les rayonnages, et se prolongeant à l’arrière par deux retours qui enserrent les demi-fonds en contreplaqué. Ces éléments métalliques sont assemblés avec les plateaux supérieur et inférieur au moyen de tiges filetées serrées par des écrous papillons. Ces tirants assurent la rigidité de l’ensemble, également confortée par la présence de deux poteaux-crémaillères recevant les supports des rayonnages ; jouent aussi un rôle de raidisseurs les poignées verticales en bois massif avec lesquelles on fait coulisser les portes dans les rainures des plateaux. Le même piètement est utilisé indifféremment pour les modèles d’armoires et les bahuts, et permet leur datation approximative2. Bien qu’il soit qualifié de « standard » à partir de 1948, le bahut est très tôt décliné en de nombreuses variantes, qui portent principalement sur le choix des matériaux : pour les portes coulissantes, la tôle d’aluminium lisse est mise en œuvre dès 19413 puis proposée en série (ainsi que le Plexiglas) à partir de 1946 ; quant aux plateaux, associés à des portes en bois ou en métal, ils peuvent être en bois massif ou plaqué, en tôle d’aluminium, ou recouverts de céramique. Les composants métalliques sont laqués ou laissés naturels, en particulier lorsqu’il s’agit des surfaces en aluminium granité ou gaufré « pointes de diamant ». Cette diversité répond à la demande croissante de la clientèle — ce type de meuble se développe de manière très significative au début des années 19504 — qui semble avoir particulièrement apprécié les versions tout aluminium5 (110 exemplaires fabriqués en 1951). Conçu comme un meuble démontable (telle l’armoire, il est livré en pièces détachées à monter soi-même à l’aide d’un tournevis et d’une notice détaillée), le bahut est également présenté dès l’origine comme pouvant être superposé ou juxtaposé. Ces combinaisons sont utilisées pour réaliser des meubles spéciaux ou des cloisons aménagées en passe-plats (trois bahuts, dont deux dos à dos et un ouvrant sur les deux faces au-dessus, avec une façade bois côté salle à manger et une façade aluminium côté cuisine), et de meubles suspendus ou équilibrés montés sur crémaillères.
1. Projets de bahuts pour le collège de Dieppe (1939), pour l’hôpital Solvay, à Dombasle, ou encore pour M. Lajoinie (1941) ; voir Sulzer, vol. 2, n° 843.3, n° 883.e9, n° 900-901.
2. La première version de piètement pour bahut (modèle déposé) présente une traverse centrale ; à partir de 1945, elle est constituée de 4 tubes avec coupelles de protection soudés sur quatre petites puis deux grandes traverses ; à compter de 1946, il s’agit de 2 pieds en tôle pliée à l’avant, encastrés sur la traverse, et de 2 pieds en tube à l’arrière ; à partir de 1949, 4 pieds (« sabots ») en tôle pliée sont soudés par deux et vissés à l’arrière des traverses, et, après 1953, ils peuvent être remplacés sur certains exemplaires par les pieds en tube de 50 mm à embouts en bois du lit SCAL.
3. Il s’agit des meubles bibliothèques pour M. Labourier et pour la société Atlas ; voir Sulzer, vol. 2, n° 931, n° 944.
4. N° 150 : bahut acier et bois (2 m) ; n° 151 : bahut tout aluminium (1,60 m) ; n° 152 : bahut tout aluminium (2 m).
5. Tous les composants sont en aluminium, hormis le piètement en acier et les poignées-raidisseurs, ainsi que les glissières, en bois massif.