Meuble sur crémaillères, 1941
Conçu à l’origine pour recevoir des rayonnages, le système d’équipement mural pour rangements suspendus en métal et bois créé en 1941 fait rapidement l’objet de développements qui permettent de l’appliquer à l’aménagement de bureaux, de pièces à usage collectif ou d’espaces domestiques. Ce mobilier à crémaillères est accroché aux murs ou maintenu entre sol et plafond par des vérins à ressorts, comparables à ceux des cloisons mobiles brevetées dans les années 1930. Le dispositif est constitué de poteaux (en tôle pliée emboutie et soudée par points) formant crémaillères où viennent s’encastrer des consoles en tôle qui reçoivent des étagères en bois et des bahuts suspendus de tailles variables ; ces derniers sont fermés par des portes coulissantes en bois, en verre ou Plexiglas, en tôle d’inox ou d’aluminium, équipées de poignées en bois qui font office de raidisseurs. Plusieurs combinaisons sont possibles : avec des paniers, des tiroirs et des classeurs pivotants, et même de grandes équerres pouvant supporter des banquettes ou des tables de travail. Particulièrement adaptés aux espaces de travail, ces éléments trouvent aussi des débouchés dans les intérieurs domestiques, parce qu’ils permettent de jouer avec les variantes de matériaux et la flexibilité de mise en œuvre des éléments : la structure est amovible, les équipements sont interchangeables et les compositions sont transformables — performance suffisamment inédite à l’époque pour être soulignée dans les publications spécialisées. En 1946, le principe des meubles suspendus produits en petites séries est adapté pour distribuer l’espace intérieur des maisons industrialisées (les futures maisons Métropole), afin de les livrer équipées d’un cloisonnement aménagé, déplaçable et modifiable au gré des besoins1.
Ces meubles équilibrés qui se fixent « instantanément sans scellement ni vis de fixation » combinent le système de poteaux crémaillères à consoles simples ou doubles avec des éléments de série en métal et bois — essentiellement des tablettes et des bahuts — ou fabriqués spécialement, telles les vitrines pour le stand de la section française à la IXe Triennale de Milan en 1951 (H. Prouvé, arch.) ou, la même année, les cloisons écran avec étagères pour l’immeuble Air France Congo à Brazzaville (Charlotte Perriand, décoratrice). Les meubles suspendus et les meubles équilibrés seront produits en de nombreuses variantes jusqu’en 1954, puis remplacés par les bibliothèques à « plots ».
1. « Pas de cloisons, simplement de grands meubles construits en métal et bois comme nos bahuts et allant du sol au plafond ». Jean Prouvé avait imaginé, en 1946, un système comparable : « des niches en métal, dessus et dessous en bois, le tout assemblé par des tirants » (lettre et croquis de Jean Prouvé à Henri Prouvé, juin 1946, archives agence Henri Prouvé, ADMM).