Étagères, 1930
L’étagère créée pour l’ameublement de la nouvelle cité universitaire de Nancy répond aux critères de solidité et d’économie figurant dans l’appel d’offres lancé en 1930 : comme les autres pièces de mobilier de ce programme, elle est composée d’un bâti métallique émaillé en rouge foncé et d’éléments en bois massif ciré ; sur les montants en tôle à bords pliés réunis à l’arrière par deux fers plats sont soudées des encoches dans lesquelles sont engagées deux tablettes en léger débord. Cette étagère autoportante était conçue pour être accrochée au mur ou posée à même le sol. À la production d’une soixantaine d’étagères pour la cité universitaire de Nancy ont pu s’ajouter d’autres exemplaires, telles les variantes étudiées peu après pour équiper des chambres de sanatorium. En 1936, c’est un modèle d’une conception tout aussi simple mais bien différente qui équipera les chambres des maîtres de l’internat de l’École nationale professionnelle de Metz : les montants en tôle pliée de section triangulaire, renforcés de fers en U pour l’accrochage, sont profondément entaillés afin de recevoir des tablettes en bois massif, également encochées. La partie inférieure des caissons est profilée en biais. Le type standard combine deux montants et deux tablettes, mais le principe est décliné en plusieurs variantes qui se différencient par le nombre de supports, la taille et la disposition des rayonnages, ou encore par la présence de tiroirs coulissant sur des glissières. Une application élégante de ce système figure dans un projet de buffet-desserte suspendu, mais le débouché domestique étant encore inexistant, l’étagère sera momentanément réservée au marché des collectivités1. Quelques années plus tard, le principe est adapté à une bibliothèque conçue spécialement à l’intention de Pierre Chartreux, patron des Éts Vauconsant, sous-traitant des Ateliers Jean Prouvé pour la fabrication du mobilier en bois : trois montants triangulaires en tôle pliée (dont l’extrémité supérieure est coupée en biais) soutiennent cinq tablettes en bois disposées en angle, dont l’une, plus large, sert d’écritoire. Après la guerre, les Ateliers Jean Prouvé auront recours à d’autres systèmes pour mettre au point différents modèles d’étagères suspendues.
1. Cette étagère figure notamment parmi les pièces de mobilier scolaire présentées par les Ateliers Jean Prouvé à l’exposition de l’Habitation au Salon des arts ménagers, Paris, janvier 1937.