Armoire, 1945
Les premières armoires entièrement métalliques produites par les Ateliers Jean Prouvé au début des années 1930 sont plus particulièrement destinées à des hôpitaux ou à des sanatoriums. Simples ou doubles, les battants (ouvrants) en tôle bénéficient de la technologie avancée du système d’ouverture des portes montées sur tubes-pivots, brevetées en 1929. Aux garanties de sécurité, de solidité et d’hygiène requises par ces programmes s’ajoute un souci du confort et de l’esthétique décelable dans la mise en œuvre des tôles en double épaisseur et dans le contraste entre les surfaces laquées et la plinthe en aluminium poli (Duralumin). Ce type d’armoire est le plus souvent combiné, lorsqu’il s’agit d’aménagement de bureaux, avec des cloisons amovibles conçues selon un principe mis au point en 1934, à l’occasion de l’équipement du siège de la CPDE, puis développé après la guerre pour le Centre de chèques postaux de Bruxelles1. Développant les modèles fabriqués pendant la guerre dans le cadre de commandes spéciales, des meubles de rangement démontables sont mis au point dès 1944 à destination du marché domestique. Armoires et bahuts à portes coulissantes sont développés parallèlement à partir du même système : un bâti en tôle associé à des plateaux et des portes en bois, le tout fixé à des pieds en tube soudés sur des longerons d’égale résistance. Alors que ce piètement et son mode d’assemblage sur les traverses connaissent plusieurs modifications successives2, le principe de la structure reste le même : deux flancs verticaux en tôle emboutie à la presse, comportant les cannelures où s’encastrent les crémaillères qui reçoivent les rayonnages, et se prolongeant à l’arrière par deux retours qui enserrent les demi-fonds en contreplaqué. Ces éléments métalliques sont assemblés avec les plateaux supérieur et inférieur au moyen de tiges filetées serrées par des écrous papillons. Ces tirants assurent la rigidité de l’ensemble, également confortée par la présence d’une séparation centrale en tôle ; jouent aussi un rôle de raidisseurs les poignées verticales en bois massif avec lesquelles on fait coulisser les portes dans les rainures des plateaux. Initialement équipée entièrement de rayonnages, l’armoire avec penderie et tiroirs (AG 12) est fabriquée en série à partir de 1949. À partir de ce modèle de base se développent des variantes dans lesquelles certains éléments en bois sont remplacés par du métal, telle l’armoire n° 101 dans laquelle tous les composants sont en aluminium, hormis le piètement en acier et les poignées-raidisseurs ainsi que les glissières en bois massif. Les pièces métalliques sont laquées ou conservent leur aspect naturel, notamment lorsqu’il s’agit de surfaces en tôle d’aluminium granitée ou gaufrée « à pointes de diamant ». Le système de placard intégré au mur développé à partir de 1951 ne concurrencera pas la production de la petite version de l’armoire, fabriquée cette même année à 150 exemplaires (soit cinq fois plus que le grand modèle, qui sera finalement abandonné). Tout comme le bahut, dont le principe constructif est similaire, l’armoire en bois et métal ou tout métal est livrée en pièces détachées à monter soi-même, à l’aide d’un tournevis et d’une notice détaillée.
1. Voir Sulzer, vol. 3, n° 1043 et n° 1101.4.
2. Dans le cas des modèles les plus précoces, il s’agit de 4 tubes avec coupelles de protection soudés sur 4 petites puis 2 grandes traverses ; ensuite, de 2 pieds en tôle pliée à l’avant encastrés sur la traverse et de 2 en tube à l’arrière (1946) ; à partir de 1949, de 4 pieds
(« sabots ») en tôle pliée soudés par deux et vissés à l’arrière des traverses ; après 1953, ces pieds peuvent être remplacés, sur certains exemplaires, par les pieds en tube de 50 mm à embouts en bois du lit SCAL.